La suivante de la liste, c’est Claire. La bien nommée parce que je me souviens d’elle comme d’une femme lumineuse. Solaire. Pleine d’une énergie positive. Très à gauche. Une révoltée permanente, mais plutôt douce.

Les cheveux très courts, en pétard. Sapée un peu n’importe comment. Plutôt garçonne. Entre son manque d’argent et son côté alternatif, c’est sûr qu’elle ne se pomponne pas des masses. Pas trop mon genre a priori mais fascinante par sa liberté absolue et son rejet des conventions.

On se rencontre pendant une soirée dub/dancehall à la Cave 12, sous le squat Rhino. Il y a bien trop de monde et c’est presqu’impossible de se déplacer d’une pièce à l’autre. Avec la bière à 1 franc et les joints qui tournent, tout le monde est bien allumé. Le sol est collant de bière renversée. Heureusement, l’ambiance est chill, parce que les normes de sécurité ne sont certainement pas respectées.

Je ne me souviens pas trop des détails, mais je me rappelle que je suis avec Béa. On est venus avec quelques amis. On est en train de danser, quand je sens une main qui effleure la mienne. Quelqu’un derrière moi, qui me prend la main, puis se colle contre moi. Je tourne la tête et j’aperçois du coin de l’œil cette fille un peu androgyne, en débardeur un peu lâche. Un petit air d’Emma de Caunes.

Béa est en face de moi. Avec la foule, elle ne se rend compte de rien. Electrisé par cette situation irréelle, je passe la main derrière mon dos. La fille pose la tête sur mon épaule. Je sens une grosse ceinture de cuir. Je glisse mes doigts dans son jean. Je tâtonne un peu et réalise qu’elle ne porte pas de slip. Elle se plaque contre moi, emprisonne ma main entre nous. Sa peau est moite et ses poils humides de transpiration. Elle rentre le ventre pour laisser ma main descendre. Mes doigts s’enfoncent dans sa toison, puis doucement entre ses lèvres. Je sens mon sexe qui se tend contre mon boxer. Nous ondulons tous les deux au rythme lent du reggae, avec le DJ qui toaste pendant que je m’active. Les basses font vibrer les tripes. Les gens sont pressés les uns contre les autres. L’ambiance est torride. Il fait si chaud que des gouttes de condensation tombent du plafond qui s’écaille. Je suis partagé entre l’envie primitive de m’oublier dans la folie de l’instant en continuant à caresser ce sexe qui s’offre et le souci d’éviter que Béa se rende compte de quelque chose. Elle n’est pas du genre à accepter ça sans rien dire. Tout à coup, il y a un mouvement de foule et Béa se penche pour me dire à l’oreille. Allez, on s’en va. Il y a trop de monde. Ça me fait flipper.

Elle commence à se frayer difficilement un chemin vers la sortie. Je m’écarte de la fille en débardeur et retire lentement ma main. Je saisis sa ceinture et me retourne pour la voir enfin de face. Elle a les yeux mi-clos et me sourit d’un air narquois. Je la regarde droit dans les yeux et je mets mes doigts trempés de sa mouille dans ma bouche. On reste quelques secondes comme ça à se regarder, puis je dois rejoindre Béa.


 

Le lendemain, je me demande si j’ai imaginé tout cet épisode. Si la weed ne m’a pas fait halluciner. Si cette rencontre improbable a vraiment eu lieu.

Mais je sens encore l’odeur musquée de son sexe sur mes doigts. Et je ne pense plus qu’à elle. A tel point que Béa m’insupporte et que je dois faire appel à tout mon self-control pour rester agréable et ne pas l’envoyer balader. Je prétexte des courses à faire et une réunion familiale pour rentrer chez moi et ne pas la voir du week-end.

Evidemment, je ne connais pas son nom et je n’ai aucun moyen de la retrouver. Le plus simple, c’est de retourner à la Cave 12 en espérant que ce soit son endroit de prédilection. Mais lorsque je me repointe le soir même, le concert programmé n’a rien à voir avec hier. Un groupe punk inaudible et un public de skins agressifs. Pas du tout la même vibe. Je ne reste que le temps de boire une bière car je me rends bien compte que c’est peine perdue. Pas de reggae et rien dans le style dans le programme des prochaines semaines. Ça va être plus compliqué que prévu.

Je me mets à échafauder toutes sortes d’hypothèses, pour trouver des pistes. J’essaie de me remémorer les gens qui étaient là hier pour tenter de la placer dans un groupe ou un autre. Pas évident car je ne vais que rarement à la Cave 12 et je n’ai pas de repères. Avec son style, je me dis qu’elle doit être étudiante en lettres ou aux Beaux-Arts. Ou alors elle bosse dans une boutique genre Maniak.

Je passe une semaine à traîner devant les facs, dans les bistrots d’étudiants et les boutiques alternatives. Sans succès. Une ou deux fois, je crois la voir dans la rue ou dans un couloir de l’Uni, mais à chaque fois c’était une erreur. Genève est une petite ville mais impossible de la trouver.

Béa commence à trouver étrange que je ne veuille pas la voir. Je l’assure du contraire et je finis par reprendre mes habitudes.

 


 

Trois mois plus tard, je la croise par hasard aux célébrations de réouverture des Bains des Pâquis. Je suis seul, venu sur un coup de tête par curiosité. Il s’est passé plusieurs mois depuis la soirée de la Cave 12 et même là, on ne peut pas dire que j’ai eu l’occasion de bien la voir. Mais je la reconnais immédiatement. Elle porte une robe à fleurs toute simple, avec une chemise de bucheron à carreaux bleus et blanc par-dessus. Des collants noirs opaques et des Doc montantes. Et toujours ces cheveux courts en pétard. Elle est avec une bande de mecs et de filles au style grunge, qui ont tous l’air habillés avec des fringues de récup’ pas très propres. A côté d’eux, elle a l’air d’une petite fille modèle.

Elle tourne la tête et m’aperçois à son tour. Je vois qu’elle me reconnait. Elle esquisse un sourire lumineux. Puis elle quitte le groupe et se dirige vers moi. Elle s’approche de moi et m’embrasse rapidement sur la bouche. Puis elle prend ma main et met mes doigts dans sa bouche en me regardant droit dans les yeux. Je sens sa langue qui tourne autour de mes phalanges. Je reste pétrifié, sidéré par son audace. Mais je suis ravi qu’elle se souvienne de moi, qu’elle n’ait pas oublié mon geste et qu’elle souhaite visiblement aller plus loin.

Après quelques secondes, elle me prend par la main et m’entraîne hors des Bains vers le quai. Allez, viens !

 


 

Il y a des relations passionnées. Il y a des relations tumultueuses. Et il y a la relation entre Claire et moi. Qui est les deux à la fois, mais en mieux. Et en pire.

Pendant 3 mois, on s’aime et on se déchire pour mieux se réconcilier dans des séance de baise enflammées.

Elle vient de Paris mais est originaire du Pays Basque. Elle habite dans un squat. Pas Rhino, mais celui de l’Arquebuse. Elle est assez vague sur les détails, mais c’est clair qu’elle se situe très à gauche. Elle a milité dans des mouvements anti-extrême droite. Ça a chauffé dans des manifs qui ont mal tourné et elle est venue ici pour se faire oublier. C’est sûr que pour le calme, elle est servie.

Elle s’encanaille avec un bourgeois comme moi. Et moi, je m’offre un frisson de transgression. J’essaie d’éviter les sujets politiques mais ce n’est pas toujours facile. Tout est politique. Tout est matière à indignation. Sur le fond, je suis assez d’accord avec elle sur plein de choses, mais de là à agir et à changer mon mode de vie, il y a un grand pas… Et elle, même si elle respecte les codes vestimentaires de la mouvance, elle est suffisamment parisienne pour toujours ajouter ce je ne sais quoi qui fait toute la différence.

On sort souvent, s’éclatant la tête dans des soirées organisées dans des squats ou d’autres salles alternatives. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne dépense pas grand-chose. Elle connaît tout le monde et on reçoit des bières à l’œil, sans compter qu’on a l’herbe à prix d’ami.

Au début, les autres habitants du squat sont un peu méfiants à mon égard. Ils me trouvent trop bourgeois. Trop riche. Et plusieurs d’entre eux semblent avoir des vues sur Claire. Mais après quelques soirées dans la salle commune à boire et fumer avec eux, ils finissent par m’accepter. D’autant que j’apporte toujours de quoi boire. Et du bon.

Je ne sais pas ce qu’elle m’a trouvé ce soir-là à la Cave 12. Je ne sais pas pourquoi elle s’est jetée sur moi comme ça. Si c’était l’effet de la drogue ou mon charme. Je n’ai pas l’impression qu’elle était coutumière du fait, mais on n’en a pas parlé. Elle dit juste qu’elle m’a trouvé mignon. C’est peut-être bien mon orgueil de mâle qui parle et qu’elle fait ça chaque fois qu’elle est pétée et qu’elle veut se taper un mec.

Comme elle est assez indépendante, on ne se voit pas tous les jours. Moi, je dois aller en cours et elle bosse un peu à la buvette de l’Ilot 13. Ça me permet de continuer à voir ma bande et à ne pas couper totalement les ponts avec Béa. Je lui raconte que j’ai beaucoup de travail pour mon mémoire et que c’est mieux pour nous qu’on se voit moins. Béa n’aime pas ça mais ne proteste pas trop. Elle ne veut pas me mettre trop de pression car elle a peur que je la quitte.

Claire me plaît bien. J’aime son audace. J’aime sa détermination. Son absence totale de gêne au niveau sexuel. Un soir qu’on traine aux Pâquis, elle m’entraîne dans un sex-shop. Elle me demande si je lui offre un jouet, sans condition, ni droit de refuser. Tout excité à l’idée de ce qu’elle a envie que je lui fasse, j’accepte immédiatement. Après avoir fait le tour de la boutique, évalué les différents sex-toys, soupesé les bites en latex de toutes les couleurs, elle finit par brandir triomphalement un gode-ceinture. C’est ça que je veux. Déçu et pour tout dire un peu inquiet, je n’ai pourtant pas d’autre option que d’aller payer si je ne veux pas avoir l’air con. Ou froussard. Dans les deux cas, elle ne me le pardonnerait pas.

De retour dans sa chambre, elle me dit de me déshabiller et de m’allonger sur le lit. Le ton est ferme. D’habitude, je ne me fais pas prier, mais là, je me doute bien qu’elle a une idée en tête. Elle retire ses vêtements à son tour et déballe le gode. Elle l’ajuste avec soin sur elle. Elle est déjà excitée et ses tétons pointent comme jamais. Elle a le souffle un peu court. Elle attrape le flacon de lubrifiant sur le cageot qui sert de table de nuit et en enduit consciencieusement le gode. Il est de style réaliste, de couleur chair et avec des veines saillantes et un gland décalotté. Je ne peux m’empêcher de comparer avec mon propre sexe, qui reste pour le moment désespérément mou. Elle pose un genou sur le lit et se penche vers moi. Elle me prend la hanche et me retourne sur le ventre. Elle s’allonge à côté de moi. Elle me caresse les fesses et me dit doucement à l’oreille. Ne t’inquiète pas. Tout va bien se passer. Détends-toi. Je vais y aller doucement.

Je sens l’ironie d’entendre à mon tour ces mots que j’ai prononcé plus d’une fois. Et je ne vois pas trop comment refuser une pratique que je lui ai infligé moi-même plus d’une fois.

Elle a gardé le lubrifiant et en fait couler généreusement sur ses doigts. Elle m’en enduit délicatement l’anus et commence à insérer son majeur avec des petits mouvements circulaires. Jusque-là, on est en terrain connu.

Elle attrape les deux oreillers et les enfile sous moi. Je me sens un peu con comme ça, offert avec le cul en l’air, mais je joue le jeu et me cambre un peu. Ça l’excite je pense, car elle passe à la vitesse supérieure. Elle m’écarte les jambes et se place à genoux derrière moi. D’une main, elle écarte mes fesses et de l’autre pousse le bout du gode dans mon cul. C’est sûr que l’effet n’est pas le même qu’un doigt de femme. Je pousse un grognement de douleur mais elle ne se laisse pas impressionner. Elle continue à entrer lentement en moi et s’arrête un moment pour me laisser le temps de m’habituer. J’ai l’impression qu’elle a enfoncé le gode entier mais ça ne doit être que 5 centimètres pas plus. C’est déjà pas mal, je trouve. Elle bouge un peu et je sens une sensation de plaisir intense. Je me mets à bander comme un âne. Elle se penche sur moi et passe sa main sous moi pour m’empoigner la bite dans la main. Tu veux que j’arrête ? A mes halètements de plaisir, elle comprend que non et rentre encore plus profond en moi. Je sens ses seins contre mon dos, sa main qui me branle et elle qui me mord la nuque. Sans pouvoir me retenir, je jouis très vite à grosses giclées. Le souffle court, les yeux hallucinés, le cœur qui bat comme un fou.

Après, elle a l’air ravie de son petit effet, câline comme pour se faire pardonner cette atteinte à ma virilité. Elle me caresse doucement et me dit des mots doux comme pour me rassurer et me calmer. Pour m’amadouer comme un cheval. Claire, la man whisperer.