Elle se jette dans mes bras et me serre à me faire mal. Elle murmure Oh, Gabriel ! et ça s’impose pour moi comme une évidence.

Elle m’a espéré, elle m’a attendu comme une femme de marin qui, chaque jour, va jusqu’au bout de la jetée en espérant apercevoir le bateau qui ne revient jamais. Et elle ne m’en veut pas. Ou alors, juste un peu de l’avoir fait souffrir, mais tout est oublié car je suis enfin de retour.

Elle se blottit contre moi avec le même abandon et la même absence de retenue qu’elle avait à l’époque, lorsqu’elle voulait me faire comprendre qu’elle se donnait toute à moi.

Ce n’est pas le scénario que j’avais imaginé. Je ne suis pas venu pour ça.

Elle ne dit rien pendant un moment. Puis recule un peu pour me toiser.

— Tu n’as pas changé.

J’esquisse un sourire. Nous savons tous les deux que ce n’est pas vrai. Je lui rends le compliment.

— Toi non plus. Tu es toujours aussi belle.

Elle grimace. Même si elle est certainement consciente de sa beauté, elle sait aussi que le temps est plus cruel pour les femmes. Alors je poursuis.

— Bien sûr, tu n’es pas la même qu’il y a 20 ans. Mais tu es bien mieux. On voit cette force en toi. Cette certitude. La même flamme que tu avais déjà, mais renforcée par ton succès et le fait que ta valeur soit reconnue de tous. Et oui, 1 ou 2 rides çà et là, mais ça te donne du caractère.

C’est sorti comme ça, sans que j’y pense vraiment, mais c’est la vérité. Et elle le sait aussi. Alors elle sourit et son visage s’illumine.

Elle me tient toujours le bras. Si quelqu’un nous voit, il n’aura aucun doute sur le lien qui nous unit. Elle s’en rend compte, tourne la tête pour vérifier si nous sommes seuls.

Elle hésite.

— Nous ne pouvons pas rester ici. J’habite à côté. Et tout le monde me connaît dans le quartier. Allons au bord de la Seine. Nous pourrons parler.

Elle mène le trajet. Un quart d’heure très étrange, pendant lequel nous marchons côte à côte. Sans nous toucher, même si nous nous frôlons parfois sans trop le vouloir, mais sans chercher à l’éviter.

Elle me guide vers une passerelle qui passe au-dessus du RER et nous voilà au milieu des péniches du port de Javel. Il fait beau et il règne une atmosphère de vacances. Les quais sont assaillis de trentenaires qui font la queue pour entrer dans les guinguettes. A l’entrée de l’une d’elles, je glisse 50 euros à l’hôtesse qui nous trouve miraculeusement une table.

Après le sas de décompression qu’a constitué la marche jusqu’ici, il est difficile de reprendre là où nous en étions.

Après avoir commandé un verre de vin, l’esprit trop absorbé pour prêter attention à la liste des cépages que le serveur nous propose, je me jette à l’eau.

— Je suis venu pour m’excuser de tout le mal que je t’ai fait. Je suis venu faire amende honorable. Te dire que je suis conscient de t’avoir maltraité.

Mais au moment où je prononce ces paroles, plus ou moins dans le même esprit qu’avec Elisabeth, je réalise que la situation n’a rien à voir. Elisabeth, j’avais clairement abusé d’elle. Je voulais soulager ma conscience et qu’elle me pardonne. Mais Marjane, même si je l’ai trompée car je me sentais pris au piège, je n’ai pas été violent, je n’ai pas profité d’elle. J’étais sincère, même si j’avais peur de m’engager.

Et surtout, je n’éprouve aujourd’hui rien pour Elisabeth. Tandis qu’avec Marjane, je suis pris de vertige en comprenant à quel point elle m’a manqué pendant toutes ces années.

Mais ce que j’ai à dire ne la préoccupe pas. Elle m’interrompt.

— Tout ça, ça ne m’intéresse pas. C’est du passé. Je croyais que tu y étais enfoui pour toujours. Mais maintenant tu es là et plus rien d’autre ne compte. Je ne veux pas savoir pourquoi. C’est comme si je me réveillais d’un long sommeil. Maintenant, j’ai les yeux bien ouverts. Et ce que je vois, c’est que tu es le seul homme qui compte pour moi.

Son sourire s’assombrit un peu. Elle pense à quelqu’un. Un homme peut-être.

— Bien sûr, il y a mon fils. Mais il est grand maintenant et il comprendra. Mais je vais quitter mon mari.

Je dois faire une drôle de tête car elle ajoute.

— Ne t’inquiète pas. Je ne te demande rien. Je veux juste dire que tout est clair pour moi. Je suis à toi. Rien qu’à toi. Si tu me veux, tant mieux. Mais je ne peux plus vivre dans le mensonge.

Tout ça va un peu trop vite à mon goût. Je lui prends la main et la porte à mes lèvres.

— C’est très beau ce que tu dis. Ça me touche beaucoup. Mais il s’est passé tant de temps qu’il n’y a pas besoin de se précipiter aujourd’hui.

— Au contraire ! Nous avons perdu trop de temps. Il n’y a plus une seconde à perdre.

Je tente mon va-tout.

— Je comprends ce que tu ressens. Crois-moi. Moi aussi, j’ai envie de faire des choses folles. Mais nous ne sommes plus des enfants. Nous sommes plus sages, espérons-le. Laissons-nous quelques jours avant de tout foutre en l’air. Tu te rappelles quand nous nous sommes connus ? J’étais très impatient et toi, tu voulais que j’attende. Tu voulais être sûre de toi. Sûre de moi. Aujourd’hui, c’est moi qui te demande d’attendre un peu.

Je sens que l’argument a porté. Elle déteste tant l’injustice que le rappel du supplice qu’elle m’a infligé l’oblige à faire preuve de patience à son tour.

— D’accord. Mais pas question de faire comme si de rien n’était. Viens. Où est ton hôtel ?

Lorsque je lui explique que j’ai choisi quelque chose dans son quartier, elle n’hésite pas une seconde.

— Allons-y. Mais demain, il faudra changer de quartier. C’est trop près de chez moi. Trop près de chez mes parents.

Nous quittons rapidement la guinguette, sans avoir touché à nos verres. L’hôtesse nous regarde partir d’un air surpris mais ravi. 50 euros vite gagnés, sans même devoir gérer la contrariété des clients qui avaient réservé la table qu’elle nous a attribuée.

Nous repartons en sens inverse. Comme à l’aller, l’ambiance entre nous pendant le trajet est un peu bizarre. Cette fois, il y a de l’impatience, du désir qui monte, mais aussi de son côté l’inquiétude d’être reconnue, la gêne aussi, de ne pas trop savoir comment nous comporter l’un envers l’autre.

Arrivés à mon hôtel, nous montons dans ma chambre. A peine la porte refermée derrière nous, elle me plaque contre le mur et m’embrasse à pleine bouche. La frénésie qui s’empare de nous dissipe immédiatement tout malaise. Mes mains parcourent son corps, retrouvent leurs marques.

Nous reprenons notre souffle et un peu de calme. Il n’y a pas urgence. Nous pouvons prendre notre temps. Nous nous déshabillons tranquillement l’un l’autre, debout près du lit qui a été préparé pour la nuit.

Elle écarte les couvertures et s’étend. Je m’allonge à côté d’elle et commence à la caresser du bout des doigts. Je redécouvre son corps. J’ai envie de douceur. De lenteur. J’ai envie qu’elle jouisse tranquillement, comme une fleur qui éclot. Elle se laisse faire, les yeux fermés.

Je passe le bout de ma langue sur ses mamelons qui réagissent immédiatement. Je glisse ma main sur son ventre, puis descend entre ses jambes. Elle tressaille mais se maîtrise. Je pose un doigt entre ses lèvres. Elle est trempée. Elle pousse un halètement sec qui ressemble à un cri. Elle prend ma main et la plaque de toutes ses forces contre elle. Je ne peux plus que bouger mes doigts. Je ne veux pas encore toucher son clitoris. J’ai peur que ce soit trop fort. Alors je caresse doucement sa vulve. Son bassin ondule en rythme. Sa pression sur ma main diminue un peu et me donne plus de liberté de mouvement. Elle me guide doucement, sans trop le montrer.

Pendant une heure, mes doigts parcourent son sexe dans tous les sens. Avec quelques incursions mutines à la lisière de son anus, dont je constate avec satisfaction qu’il s’ouvre pour m’accueillir. Quelques taquineries à l’entrée de son vagin mais sans trop m’introduire, jouant juste à entrer et sortir. Des cercles tracés autour de son clitoris qui se dresse hors de son capuchon. Six fois, je la mène au bord de l’orgasme, pour ensuite calmer le jeu et laisser la tension retomber. Au premier edging, Marjane est presque furieuse contre moi, tant sa frustration est grande.

Je lui murmure à l’oreille.

— Laisse-toi faire. Tout va bien. Aie confiance en moi. Et profite !

Lorsqu’enfin je ne m’arrête pas et que je poursuis mes caresses pour qu’elle puisse passer le sommet, elle jouit avec une force que je ne lui avais pas connu. Pendant 2 longues minutes, elle est prise de spasmes. Ses muscles tressaillent sans discontinuer et elle murmure des mots incompréhensibles, comme si elle était dans une transe mystique. Elle reste ensuite inerte pendant un long moment, retrouvant lentement une respiration normale.

Enfin, elle me regarde, un sourire béat sur les lèvres. Et elle se lève, va chercher son téléphone dans son sac resté par terre dans l’entrée et se dirige vers la salle de bains.

Avant de refermer la porte, elle se retourne vers moi.

— Je dois appeler chez moi. Et ensuite, je m’occupe de toi.

Je ne devrais pas écouter, mais je ne suis pas un gentleman. Alors je l’entends qui dit Non, je ne rentre pas ce soir. Oui, je suis très sérieuse. J’ai besoin de prendre un peu l’air. Je vais rester chez une amie. Ne cherche pas à me joindre. Je ne sais pas encore.

5 minutes plus tard, elle revient dans la chambre. Et s’occupe de moi.